Société « Jeudi noir : un droit au logement pour tous et toutes »

Portrait d'Elise Aubry © Dom Garcia 2011

En France, selon le rapport 2011 de la fondation Abbé Pierre, plus de 8 millions de personnes sont en situation de mal-logement ou de fragilité face au logement, en particulier des femmes.
Le collectif de jeunes précaires Jeudi noir, qui vise à sensibiliser sur la pénurie de logements par des actions et des occupations d’immeubles vides, vient d’être expulsé d’un immeuble appartenant à AXA et inoccupé depuis plus de quatre ans.

Nous avons interrogé Elise Aubry, membre du collectif, sur la situation particulière des femmes face à la pénurie de logements.

Les femmes sont les premières victimes du mal-logement, comment l’expliquez-vous ?

La précarisation des femmes est croissante : le nombre de femmes en situation de précarité a augmenté d’au moins 10 % au cours de ces dernières années.

Les femmes représentent environ 51% de la population française, mais aussi 53% de la population pauvre. Leur précarité est le résultat de facteurs professionnels et personnels.

Le temps partiel est désormais la première cause de travail paupérisant. A l’origine, les contrats à mi-temps ont été mis en place pour donner plus d’indépendance aux femmes. Aujourd’hui, le marché de l’emploi n’a rien d’autre à leur proposer et elles tombent dans la précarité.

Enfin, pour les mères qui élèvent seules leurs enfants, se loger devient un véritable casse-tête. Elles sont perçues comme fragiles, incapables de payer leur loyer ou de garder leur travail. Et le nombre de logements sociaux disponibles est nettement insuffisant.

Quelles sont pour elles les autres solutions d’hébergement ?

Il n’y a pas assez d’hébergements d’urgence et la plupart des centres d’hébergement sont mixtes, ce qui peut poser un réel problème de sécurité pour les femmes en difficulté. Les hommes sont souvent alcoolisés, violents. Aller dans ces endroits avec des enfants est inenvisageable. Les foyers de jeunes travailleurs sont aussi saturés. Sans compter que certains ressemblent à des prisons.

Il y a environ un mois, une femme est venue au squat de Matignon accompagnée de sa fillette de 8 mois. On lui avait réservé une grande chambre tout près de la salle de bains, c’était parfait. Mais le blocus policier a fait barrage et l’a empêchée d’entrer dans le squat. Je ne sais pas où elle loge maintenant.

Y a-t-il un profil type des femmes accueillies par Jeudi noir ?

Non, elles ont le même profil que leurs homologues masculins. Elles sont jeunes travailleuses, précaires, étudiantes, intermittentes, sans emploi…

Selon les réquisitions, des femmes avec enfant peuvent être accueillies et trouver un abri dans le bâtiment si les conditions le permettent. Elever un nourrisson demande une installation autre qu’un radiateur et un matelas au sol…

Est-ce que Jeudi noir a des revendications spécifiques concernant les femmes ?

Avant de répondre à votre question, je voudrais dire qu’au sein de Jeudi noir, les plus grandes gueules sont des femmes.

Alors, la réponse à votre question est non. Chez nous, il n’y a pas de distinctions. Le droit au logement est un droit pour tous et toutes. Nous réclamons l’encadrement des loyers, l’application de la loi de 1945 sur les réquisitions, qui permet au préfet de réquisitionner un bâtiment inoccupé pour l’attribuer à des mal-logés,  le rétablissement de la rétroactivité des APL (aide personnalisée au logement) et l’application de la loi SRU, 20% de logements sociaux par ville.  Quand tout cela changera, les inégalités hommes/femmes en matière de logement disparaîtront d’elles-mêmes.

Hélène Guinhut – EGALITE

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