Tribunes La disparition de Laëtitia, un fait divers ?

Article mis à jour le 2 février

Quand une agression touche un homosexuel, on dénonce l’homophobie. Quand elle vise une personne noire, arabe ou juive, on désigne le racisme ou l’antisémitisme. Quand un homme viole, tue et démembre une jeune femme alors qu’elle aurait repoussé ses avances, on parle… de fait divers.

En France, la violence sexiste continue de compter pour rien. Face à la énième tragédie, le meurtre barbare de la jeune Laetitia, dont le corps démembré a été retrouvé le 1er février dans un étang, on se contente, président de la République en tête, de s’émouvoir. Alors que le meurtrier et violeur présumé, chargé d’un important passé judiciaire, a été mis en examen pour « enlèvement suivi de mort », on balise étroitement le champ de la réflexion dans le seul cadre, politiquement porteur, de la « récidive ».
On fustige les dysfonctionnements de la chaine pénale, on promet un « office de suivi des délinquants sexuels et violents », on reporte sur les personnels de justice le poids de la faute.

La récidive est certes un sujet important. Mais à occuper toute la largeur de l’écran, il occulte le sujet de fond : la violence sexuelle que des hommes, jusqu’à la mort, persistent à infliger à des femmes, parce qu’elles sont femmes. Et parce qu’elles disent non.

Qui ose le dire ? Qui ose parler de « meurtre sexiste » ? Qui ose interroger notre environnement social, médiatique, notre « culture » et la manière dont elle peut nourrir les fantasmes machistes meurtriers de certains hommes ? Alain Bauer, président du conseil d’orientation de l’Observatoire national de la délinquance, a pourtant, dans les mêmes jours, eu le courage (sur RMC notamment) d’attirer l’attention sur la montée des violences infligées aux femmes dans l’espace public et sur le rôle de « punching balls » auquel les assigne une image envahissante d’objets sexuels véhiculée par la publicité et la pornographie.

L’auteur est-il un fou, un pervers ? Ou un homme trop influencé par un air du temps qui réduit la moitié féminine de la société à un rôle de gibier, un gibier dont on s’étonne qu’il puisse exprimer une volonté propre et qu’il résiste. Comme toujours, l’auteur des faits sera renvoyé dans le périmètre de l’exception monstrueuse. Procédé commode et tellement déculpabilisant. En attendant le prochain viol et le prochain meurtre.

Claudine Legardinier – EGALITE

print