Non classé Denis, père au foyer épanoui

Portrait de denis

Denis dit de sa famille qu’elle était « hyper classique » : c’est sa mère qui s’est occupé de lui et de ses deux sœurs, même si son père était présent. Mais c’est surtout son grand-père qui l’a marqué. Veuf très tôt, le père de sa mère a élevé seul ses deux filles. Un grand-père qu’il dit «mythique» et qui est mort lorsqu’il avait 10 ans. Cette image d’un homme cultivé, antimilitariste, atypique, lui a donné une certaine force. « J’ai dû vouloir être à la hauteur. » Cette force lui a sans doute permis de reprendre ses études à 30 ans. Après avoir commencé à travailler à 17 ans et fait toutes sortes de métiers dans le bâtiment, la décoration, le commerce, l’agriculture, Denis est passé de bac -5 à Bac +2 , en 5 ans.

Diplôme en poche, il passe aux métiers du social et c’est à ce moment-là qu’il rencontre Elisabeth, la femme de sa vie, qui termine sa thèse.

Trois filles et deux congés parentaux

Sans que son désir d’enfant ne soit très prononcé jusque-là, c’est lorsqu’Élisabeth est enceinte de leur première fille, Emma née en 1998, que tout change pour Denis. Il se passionne pour tous les moments de la grossesse et veut tout partager. « Ma compagne m’a laissé ma place, ce que ne font pas toutes les femmes », dit-il. Ce partage actif a été aussi facilité par le choix du lieu de l’accouchement : une maison de naissance portée par une association de parents.

La deuxième fille, Lina, naît en 2001 à leur domicile, avec l’aide d’une sage-femme. « Une femme extraordinaire, les rencontres avec elle étaient géniales. » Denis décide alors de prendre un congé parental de trois ans. C’est un réel choix, une vraie envie.

En 2004, naissance de Louise, chez eux également. C’est Denis qui l’a mise au monde car la sage-femme est arrivée avec trois quarts d’heure de retard pour cause d’intempéries. « J’avais déjà mis au monde des chevreaux », plaisante-t-il. L’expérience des naissances de ses filles lui font penser que tant que l’on ne changera pas notre regard sur la naissance, on ne changera pas notre vision du monde. La famille habite alors un village des Landes. « C’était la première fois depuis 34 ans qu’un enfant venait au monde dans le village, le maire ne savait pas rédiger un acte de naissance. »

Denis prend alors un nouveau congé parental de trois ans. A la fin de ce deuxième temps de congé, étant donné qu’Élisabeth a un bon salaire et qu’il y a peu d’opportunité de travail dans leur région, il décide de rester à la maison pour continuer les travaux d’agrandissement et d’aménagement. Depuis trois ans, Denis n’est plus en congé parental. Il est père au foyer.

Le regard soupçonneux des hommes

Leur vie de couple se fait sous le signe du partage. Élisabeth fait la cuisine, qu’il n’aime pas faire, Denis s’occupe des filles, les emmènent à l’école, range la maison, nettoie, lui, qui dans son enfance n’a jamais rien fait, petit dernier au masculin.

Sa journée commence souvent par un café au village avec les hommes, retraités, au chômage ou en congés. Il se sent toujours un peu décalé. Le regard des autres sur son statut est très variable, mais souvent soupçonneux de la part des hommes. Les femmes, elles, aimeraient bien être à la place de sa compagne.

Il dit qu’on ne s’intéresse pas souvent à ce qu’il fait. Lorsque, à l’occasion de soirées, on lui demande ce qu’il fait dans la vie et qu’il explique qu’il est père au foyer, « il y a un blanc, et on se tourne vers Élisabeth ».

Nombreux sont ceux qui pensent qu’il a beaucoup de temps pour lui mais en fait il en a très peu. Un cinéma, rarement, un peu de danse traditionnelle, un engagement de conseiller municipal. Le reste est consacré aux travaux et à ses filles. Il ne veut manquer aucune étape de leur développement, il est très fier qu’elles se sentent bien dans leur peau.

Il pense retravailler, soit de façon occasionnelle, soit à mi-temps. « Si je travaille demain ce n’est pas uniquement pour sortir de chez moi. Ce serait pour qu’Élisabeth travaille moins, que l’on fasse un peu plus de choses ensemble, et que les filles voient leur papa aussi dans un autre contexte. »

Caroline Flepp – ÉGALITÉ

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