Culture 150 ans de féminisme en images
Cliquez sur une image pour voir la galerie
______________________
« Pendant longtemps, les femmes ont été laissées dans l’ombre de l’histoire », ont écrit les historiens Georges Duby et Michelle Perrot en 1992. L’exposition Photo / femmes / féminisme à la Galerie des bibliothèques (rue Malher, Paris 4e) contribue à sortir les femmes de l’oubli où les tiennent, aujourd’hui encore, l’histoire comme les médias.
Portraits de femmes célèbres ou anonymes, photographies documentaires lors d’événements touchant les femmes, œuvres de femmes photographes…
L’illustration de 150 ans d’histoire des femmes par 200 photos puisées dans la collection Marguerite Durand, nous emmène des revendications des pionnières de la Belle Epoque jusqu’aux combats politiques, des communardes aux militantes du MLF.
L’exposition montre la reconnaissance publique des femmes célèbres du monde des arts, du spectacle et des lettres – de Sarah Bernhardt à Hélène Cixous. Elle évoque l’accès aux métiers dits masculins, fortement revendiqué par Marguerite Durand, fondatrice en 1897 de La Fronde, journal d’information entièrement réalisé par des femmes, de la direction à la rédaction en passant par la mise en page… Journalistes ou typographes étaient alors des métiers fermés aux femmes, comme les lieux dits publics tels que l’Assemblée ou la Bourse qui se sont enfin ouverts aux « frondeuses ».
Mises en lumière
« On ne sait rien de l’admirable activité des femmes, et même les féministes ignorent les trois-quarts de ce qu’ont fait, dans tous les ordres de préoccupations humaines, leurs aïeules, leurs mères… ou leurs contemporaines », soulignait Marguerite Durand dans le Le Quotidien, en janvier 1932, lors de l’acceptation de la Ville de Paris des collections dont elle lui faisait don, fondant ainsi la première bibliothèque féministe officielle. L’exposition Photo/femmes/féminisme a le triple mérite de rendre parfaitement compte de la diversité du fonds, de présenter dans l’espace public 150 années d’activités des femmes, et de mettre en avant l’aspect politique et culturel de l’émancipation des femmes.
« On a la même culture historique féministe », estiment les deux commissaires de l’exposition, Annie Metz, conservatrice en chef de la bibliothèque Marguerite Durand, et Florence Rochefort, historienne du féminisme et chercheuse au CNRS. Elles ont mené de façon complémentaire ce lourd projet qui a bien sûr imposé des choix déchirants pour ne retenir que 200 photos, sur les 4 000 que contient le fonds. Elles regrettent toutes deux de n’avoir pas pu consacrer une salle spéciale au fonds Chusseau-Flavien, qui comporte des photos de femmes du monde entier.
A ce détail près, elles ne peuvent que se féliciter de leur réalisation. « J’ai toujours rêvé de faire une exposition sur l’histoire du féminisme », se réjouit Florence Rochefort. « Le pari est réussi, puisque l’exposition se tient à la fois au cours du mois de la photographie, et pour l’anniversaire des 40 ans du MLF. »
______________________
« Un moment fort du féminisme de la Belle Epoque »
Florence Rochefort, historienne, chercheuse au CNRS (GSRL) est une des commissaires de l’exposition Photo/femmes/féministe. Elle commente une des photos de l’exposition qu’elle préfère.
« Cette photo est prise lors de la grande manifestation du 5 juillet 1914, en l’honneur de Condorcet. C’était la première grande manifestation de rue des féministes de la Belle Epoque. Séverine, la célèbre journaliste qui a travaillé pour La Fronde, quotidien d’information créé par Marguerite Durand, a pris la tête d’un rassemblement des différents groupes de suffragistes.
C’était une manifestation unitaire, qui a eu beaucoup d’impact, non pas tant pour le nombre de participants que parce que la presse en a beaucoup parlé. Ce dynamisme, cet esprit collectif sont importants pour l’histoire des groupes et des mouvements.
La photo donne une émotion spécifique. On se sent très proches, très semblables, malgré l’âge et le costume caractéristique de cette époque. Cette photo est emblématique d’un moment que nos contemporains ne connaissent pas bien : les gens ont l’impression qu’en 1900, le féminisme n’existe pas, ou que c’est un féminisme en chambre… »
______________________
« Un bel hommage à Marguerite Durand »
« C’est la première fois que l’on peut montrer vraiment ce fonds, et toucher ainsi le grand public », se félicite Annie Metz, la conservatrice en chef, responsable de la bibliothèque Marguerite Durand. Fidèle à sa mission de rendre visibles les femmes dans l’espace public et d’archiver les témoignages de leurs mobilisation, la bibliothèque comporte aujourd’hui 45 000 livres et brochures, 1 110 titres de périodiques, 10 000 documents iconographiques et des dizaines de fonds d’archives de particuliers et d’associations.
Parmi les 200 photos présentées, Annie Metz aime particulièrement cette photo de la peintre Frida Kahlo (1907-1954) peintre mexicaine avant-gardiste qui s’est intéressée à l’émancipation ces femmes, prise en 1948 par Gisèle Freund (1908-2000). Cette photographe, réfugiée en France pour fuir le nazisme, a été une des rares femmes à travailler pour le magazine Life. Elle a été la première à faire de la sociologie historique de la photographie au 19e siècle.
Galerie des bibliothèques, 22 rue Malher, Paris 4e (Métro Saint-Paul)
Jusqu’au 13 mars
Du mardi au dimanche de 13 à 19 h, nocturne le jeudi jusqu’à 21 h
Entrée 4 €, tarif réduit : 2€
Sylvie Debras EGALITE