Contributions « La pauvreté n’est pas un vice »
« La pauvreté n’est pas un vice, mais une vérité », disait Dostoïevski. Cette vérité grandit autour de nous, plus dramatiquement chaque jour.
S’il y a 20 ans, en Roumanie, la pauvreté n’était pas si visible, de nos jours, la pauvreté, soit-elle la nôtre ou celle de nos semblables, nous frappe. S’il y a 20 ans, on ne trouvait pas de personnes adultes sans abri dans les rues de Bucarest, de nos jours dans les mêmes rues vivent plus de 5 000 personnes dans des conditions absolument inhumaines.
L’exclusion sociale, caractérisée par des dégradations humaines difficilement réversibles et représentant une pathologie sociale chronique, doit être traitée par des moyens spécifiques. En 1998, on estimait que presque la moitié de la population en Roumanie était pauvre.
Une aide fournie essentiellement par les associations humanitaires
Nos concitoyens se sont presque habitués au tableau désolant de personnes qui habitent sur les trottoirs ou qui, en hiver, à – 25°, essaient de sauver leur vie en dormant dans les escaliers d’immeubles ou à l’entrée des stations de métro. Ce sont des gens que la société a abandonnés. En perdant leurs papiers d’identité, ils ont aussi perdu l’espoir de devenir des êtres sociaux.
Qu’ils arrivent dans la rue par accident ou en essayant de « forcer leur destin », qu’ils essayent tout ce qui est humainement possible pour échapper à leur situation critique ou qu’ils abandonnent toute forme de lutte immédiatement après avoir tout perdu, ils méritent une autre chance. Une chance que l’Etat devrait leur offrir, en principe, mais qui leur est offerte principalement par des associations humanitaires. C’est pour cette raison que l’association Samusocial din Romania est née à Bucarest, ONG qui a pour but principal d’offrir des services médicaux, sociaux et psychologiques aux personnes sans abri de Bucarest.
Les principales raisons pour lesquelles tant les femmes que les hommes arrivent à vivre dans la rue à Bucarest sont les suivants : divorce, conflits familiaux, chômage, escroqueries immobilières ou désinstitutionalisation.
Reconstruire le sentiment d’estime de soi
Par l’intermédiaire de ses équipes de spécialistes (médecins, assistants sociaux, psychologue) le Samusocial din Romania s’efforce d’améliorer l’état déplorable dans lequel vivent la plupart des personnes adultes sans abri. Mis à part la nourriture, les vêtements, l’espace hygiène, les médicaments ou l’assistance médicale, que nous offrons aux plus marginalisés, notre effort pour reconstruire leur sentiment d’estime de soi est la chose la plus importante que nous faisons pour eux.
Nous nous efforçons de les convaincre, femmes et hommes, de continuer la lutte pour échapper aux situations désespérées dans lesquelles ils se trouvent. Nous essayons de les aider à esquisser un nouveau projet de vie qui leur permettrait de sortir de la pauvreté absolue. Nos démarches commencent par l’obtention des papiers d’identité puis par l’obtention du revenu minimum garanti.
Nous essayons de leur trouver un hébergement. Nous essayons de les sauver de la griffe des addictions, préexistantes ou acquises dans la rue. Nous essayons de leur trouver des emplois dans le tissu économique.
Des femmes plongées dans la vie trop tôt
Depuis 10 ans, depuis que notre association fonctionne, nous avons constaté qu’un taux important de sans-abris qui font appel à nos services est constitué de femmes. Certaines de ces femmes sont accompagnées d’un ou plusieurs enfants, d’autres ont déjà franchi l’âge de la retraite ou d’autres encore n’ont pas eu le temps de devenir femmes, plongées dans la vie trop tôt suite à une désinstitutionalisation prématurée. Un quart de la population totale des personnes sans abri de Bucarest sont des femmes.
Les femmes avec enfants sont soutenues par les assistants sociaux dans leurs demandes d’indemnisations, en particulier celle dite de croissance enfant, elles sont prioritaires en ce qui concerne l’obtention d’un hébergement. Grâce à une bonne collaboration avec les autres associations, nous réussissons dans un délai très court à leur obtenir un hébergement temporaire, qui améliore leur vie jusqu’à l’identification d’un cours de qualification professionnelle et ensuite d’un nouvel emploi.
Notre psychologue aide ces femmes à dépasser les moments de crise. Ce dernier ainsi que les assistants sociaux sont à leur disposition en leur assurant des conseils constants et à long terme.
La bonne relation que l’association entretient avec les Directions générales d’assistance sociale et de la protection de l’enfant fait que nous obtenons des résultats positifs concernant les droits pour les enfants, et l’obtention d’un hébergement temporaire. Malheureusement, le nombre des places dans les centres sociaux est limité et la dernière année il a été prouvé que le nombre de ceux qui ont eu besoin d’assistance de ce type a augmenté.
Circonstance aggravante : avoir plus de 50 ans
La crise économique a accentué la pauvreté. La perte des emplois a obligé maintes personnes qui avaient une vie normale et prospère à déménager dans la rue. Une partie de ceux qui sont arrivées sur les trottoirs, familles avec enfants, n’étaient plus capables d’acquitter leurs frais locatifs ou ont été évacués sur la base de la loi des maisons nationalisées.
Environ 10% des femmes trouvées dans la rue sont âgées de plus de 50 ans et sont victimes, à 4%, d’escroqueries immobilières. Elles ont été trompées et leurs logements ont été vendus. Vu que dans leur grande majorité elles n’ont plus d’emploi depuis plusieurs années et que les chances de se faire embaucher pour ce groupe d’âge sont presque inexistantes, elles ne peuvent plus se permettre le paiement d’un loyer ni même des frais locatifs.
Malheureusement, une partie de celles-ci n’ont pas atteint l’âge de la retraite ou ne peuvent pas prouver leur ancienneté concernant le travail.
Les personnes qui ont atteint l’âge de la retraite sont accompagnées par nos assistants sociaux qui les aident à refaire leur dossier de pension. Dans ces cas, l’histoire finit bien quand nous leur trouvons une place dans une maison pour personnes âgées qu’elles peuvent payer avec leur pension. Mais pour d’autres cas, notre aide se limite à l’obtention du revenu minimum garanti, de la cantine sociale ou à essayer de renouer le contact avec la famille qui les a abandonnées.
Nous réussissons, parfois…
Sabina Nicolae, directrice du Samu social de Roumanie