Témoignages Femme et séroposivité

Un collectif de seize associations, Femmes et VIH, s’est mis en place pour aborder la question de la spécificité du sida chez les femmes. Christine Aubere témoigne et explique la nécessité de cette approche.

Je suis moi-même séropositive depuis 1990 et je me mobilise depuis 1997 sur la question des femmes et du VIH/Sida. Dix ans après, je constate que les choses ont peu avancé, qu’il faut fédérer nos actions plutôt que les disperser afin que notre voix soit entendue et que cette question de la femme dans l’infection à VIH/Sida soit enfin prise en compte dans l’épidémie. Je pense qu’il est primordial d’aborder cette pandémie sous le prisme du genre pour permettre d’envisager des mesures spécifiques en direction des femmes (prévention, soins).

Les chiffres nous le prouvent : la proportion des femmes parmi les personnes séropositives dans le monde atteint aujourd’hui plus de 50 % contre 30 % en 1997. Une question de genre qui, même dans le milieu associatif Sida, a du mal à exister et surtout, à perdurer dès qu’il s’agit de mettre des actions en place. D’où le désir pour plusieurs femmes venant des associations Act Up-Paris et Sida Info Service (associations dans le champs de la lutte contre le sida) et du Planning Familial (association généraliste inscrite dans la lutte pour le droit des femmes) de créer un collectif inter-associatif Femmes et VIH. Aujourd’hui, seize associations sont devenues partenaires.

L’objectif de ce collectif est de sensibiliser les femmes, le milieu associatif, scientifique, institutionnel, politique, autour de la spécificité de l’infection à VIH/Sida chez la femme. Aussi bien dans le cadre de la prévention que dans celui de la recherche, de la prise en charge thérapeutique des femmes séropositives, que des droits sociaux, de la qualité de vie de ces femmes souvent en situation de précarité (77 % d’entre elles ne travaillent pas…).


Petit rappel :

Les contaminations en France n’ont pas diminué, elles ont changé. Touchant d’abord les milieux gays, toxicomanes et de prostituées, l’épidémie passe aujourd’hui par un nombre de contaminations hétérosexuelles plus importantes et, ce faisant, se féminise. Les femmes représentent 36 % des nouveaux cas aujourd’hui en France.

Trop peu d’entre elles savent qu’elles sont plus vulnérables :

– vulnérabilité physiologique et biologique

*la concentration virale est beaucoup plus élevée dans le sperme que dans les sécrétions vaginales.

* le col de l’utérus est particulièrement fragile, surtout au cours des règles, en cas d’Infections Sexuellement Transmissibles, de Maladies Sexuellement Transmissibles ou de micro déchirures lors de la pénétration.

* les IST sont souvent asymptomatiques chez les femmes, ce qui augmente le risque de transmission du VIH

– vulnérabilité socio-économique, et culturelle dans l’accès à l’information et aux modes de protections. Pas toujours si simple pour une femme de parler du préservatif à son partenaire, de le proposer, de le négocier, de l’imposer ou de dire NON…

Peu de campagnes d’information existent en direction des femmes. Lorsque l’on évoque le cas des femmes dans l’infection à VIH, c’est à partir de la grossesse et des femmes migrantes.

Mais les autres, ces invisibles, celles que l’on ne voit pas, comment les toucher ? Toutes celles qui ne se retrouvent pas dans le milieu associatif et qui sont contaminées, ou toutes celles qui pensent qu’elles ne peuvent pas être touchées par la maladie (les plus de 50 ans et les jeunes de moins de 25 ans).

Beaucoup d’inégalités dans cette infection par le VIH :

Inégalité face au suivi de la maladie.

En consultation, trop peu de médecins, même les infectiologues, interrogent les femmes séropositives sur leur suivi gynécologique alors que cette question devrait être posée systématiquement. En plus du médecin que l’on voit pour le VIH, il est nécessaire de consulter très régulièrement un gynécologue, ce qu’ignorent beaucoup de femmes séropositives. Elles ignorent notamment qu’il est recommandé de faire un frottis tous les ans afin de détecter l’apparition de papillomavirus (une infection plus compliquée à soigner chez les femmes séropositives), infection qui peut être responsable du cancer du col de l’utérus si on ne le détecte pas à temps.

Inégalité face à la recherche :

Encore aujourd’hui les femmes ne représentent qu’entre 20 et 30 % des participants des essais thérapeutiques, alors que dans l’épidémie la parité homme/femme est atteinte, et que l’on sait que les femmes développent plus fréquemment et plus sévèrement des effets indésirables liés aux traitements. De plus, des questions concernant les spécificités des femmes sont très rarement posées dans les protocoles alors que chacune d’entre elles pourraient faire avancer la recherche pour les femmes.

Trop peu d’études sont menées sur des sujets tels que : « contraception et traitement VIH », « ménopause et traitement. Ou sur les effets spécifiques de la maladie et des traitements sur le corps féminin. Ainsi, avec le recul de ces quelques années de traitement, j’ai pu assister à une masculinisation de mon corps, il ne m’appartient plus. Les traitements ont entraîné un déplacement des graisses, au niveau de l’abdomen, mes cuisses ont fondu, ce qu’on appelle « lypodistrophies ».

Inégalité face aux moyens pour les femmes de se protéger.

Le préservatif féminin reste trop peu accessible. Il est fiable, a été testé, possède la norme CE mais aucune volonté politique n’amène à sa distribution massive. Il faut continuer la recherche pour donner la possibilité aux femmes de choisir leur moyen de protection.

Tout ceci n’est qu’un bref aperçu de la spécificité du VIH/Sida chez la femme.

Le VIH/Sida n’appartient pas qu’aux associations de lutte contre le sida et surtout pas quand il s’agit de parler de la spécificité de l’infection à VIH chez la femme. Il est donc important que les associations féministes intègrent le VIH/Sida dans leurs combats, une aventure contemporaine.

Christine AUBERE

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