Culture Loin de Bollywood, un livre montre les vraies femmes de l’Inde
Depuis le XIXe siècle, les femmes indiennes luttent pour obtenir l’égalité. Le livre de Martine van Woerkens, Nous ne sommes pas des fleurs, deux siècles de combats féministes en Inde, met en lumière ces révoltées et les textes qu’elles ont écrits.
Une image flatteuse de la féminité indienne (jolis saris aux couleurs chatoyantes, guirlandes de fleurs et bijoux éblouissants) se répand dans les médias occidentaux, largement inspirés par les superproductions cinématographiques de Bollywood.
Aux antipodes de ces clichés, les femmes indiennes du « peuple » sont généralement montrées en victimes de traditions encore prégnantes ; mariages forcés, grossesses précoces et nombreuses, viols, humiliations seraient leur lot, jusqu’au sort ultime réservé aux veuves : être brûlée vive avec l’époux défunt !
Et tout ceci bien sûr, quand elles ont eu la « chance » de naître alors que l’avortement des fœtus féminins reste une pratique courante.
L’influence de l’Occident
Il ne faudrait cependant pas oublier, égaré par ces stéréotypes, de dire que les femmes indiennes ont aussi été et sont encore des résistantes, des rebelles qui luttent pour faire reconnaître leurs droits.
Tel est l’objectif de Nous ne sommes pas des fleurs, deux siècles de combats féministes en Inde, le livre de l’anthropologue et spécialiste des religions Martine van Woerkens. Il retrace le chemin de femmes exceptionnelles, depuis celles qui ont obtenu le droit d’apprendre à lire et à écrire dans les castes supérieures jusqu’à celles qui se sont imposées sur la scène politique.
C’est dans les années 1980 que le combat des femmes indiennes a pris une ampleur sans précédent, en s’inspirant du féminisme occidental, mais aussi en s’appuyant sur la constitution adoptée par l’Inde en 1950. Un texte qui reconnaît l’égalité (article 14) et interdit « toute discrimination fondée sur la religion, la race, la caste, le sexe ou le lieu de naissance » (article 15). Un combat résumé par ce slogan « Nous, les femmes de l’Inde, ne sommes pas des fleurs, mais des étincelles de feu ».
Elles ont écrit leur combat
Toutes les femmes présentées dans ce livre ont écrit. De l’épouse parfaite morte dans les années 1920 à la bandite Phoolan Devi en passant par Indira Gandhi, chacune a laissé des textes pour dire son combat. C’est grâce à ces récits que l’auteure peut nous livrer leurs cris de révolte aussi bien que la joie des Indiennes devant les victoires arrachées aux traditions. Martine van Woerkens montre qu’à la lutte des femmes dans une société masculine s’ajoute en Inde la lutte des castes. En prenant de l’ampleur le combat féministe a touché celles que la société rejetaient encore plus, les intouchables, les dalits dont l’une d’elles est aujourd’hui ministre en chef de l’État le plus peuplé de l’Inde, l’Uttar Pradesh.
Martine van Woerkens, Nous ne sommes pas des fleurs, deux siècles de combats féministes en Inde, Albin Michel, 20 €, 363 p.
Geneviève ROY ÉGALITÉ