Monde Initiative Féministe : en Suède, les lunettes de genre, même pour les transports en commun
Les membres du parti suédois Initiative Féministe ont un programme qui entend bien changer la société en profondeur. Une grille d’analyse de genre leur permet d’étayer de façon originale des propositions écologiques, notamment sur les transports en commun.
S’il existe des formations politiques sympathisantes féministes, Initiative Féministe est le premier parti politique du monde à consacrer entièrement son programme aux questions féministes, et à appliquer l’analyse de genre à tous les domaines de la vie (énergie, transports, sécurité, économie, famille, etc.), le féminisme est alors décrit comme un « outil », une « méthode d’analyse » pour atteindre l’égalité. Le parti défend par exemple l’individualisation des congés parentaux, pour permettre à chaque parent de construire une relation avec ses enfants ; la journée de 6 heures, pour encourager le rééquilibrage entre temps professionnel et temps personnel (avec des conséquences sur le partage des tâches ménagères et du soin aux enfants) ; la redéfinition de la notion de « sécurité » pour y intégrer le droit à l’intégrité physique, axé sur les problèmes encore trop présents des viols et de la violence conjugale. Un autre exemple concret d’une politique féministe : la question des transports.
Une nouvelle analyse de la politique des transports
La problématique contemporaine de l’écologie devrait nous imposer, selon Initiative Féministe, une analyse de la politique des transports, producteurs de gaz à effet de serre, avec une perspective de genre. Il s’agit tout d’abord de s’interroger sur les pratiques actuelles : des statistiques montrent que dans un couple hétérosexuel qui a une voiture et que les deux personnes doivent aller travailler, ce n’est pas celui qui a le plus long trajet qui prend la voiture, mais l’homme, alors que la femme prend les transports en commun. S’il y a deux voitures, c’est l’homme qui utilise la plus neuve, et la femme la plus ancienne, « la voiture de maman », pour faire des petits trajets. La nature même des trajets peut être observée avec des lunettes de genre : les hommes font souvent des trajets pendulaires (de la maison au travail, du travail à la maison), « tandis que les femmes emmènent les enfants à l’école, vont travailler, rendent parfois visite à grand-mère à la maison de retraite, font quelques courses, vont chercher les enfants… des trajets dans tous les sens. Pourtant, les transports en commun sont organisés de façon pendulaire, de la périphérie vers le centre, tout comme les infrastructures routières se développent sur l’idée que tout le monde ne fait qu’aller au travail et en revenir… », explique Gudrun Schyman
, porte-parole d’Initiative Féministe. Enfin, les femmes utilisent plus souvent que les hommes les transports en commun, tout comme les personnes âgées, les jeunes et les immigrés. En conclusion, si l’on investit sur les routes, on rend les trajets des hommes plus efficaces, tandis que si l’on investit sur les transports en commun, on investit sur les trajets des femmes. Certains pourraient vouloir aider les femmes à avoir une voiture, mais ça ne serait pas écologique. Initiative Féministe préconise l’amélioration des transports collectifs au point que même les hommes aient envie de les utiliser. Le point de départ de la politique des transports d’Initiative Féministe est donc l’expérience des femmes, mais la visée écologique est collective. L’objectif de cette politique est de favoriser les transports publics plutôt que les voitures individuelles, et de décentrer les trajets de manière à prendre en compte les besoins des usagers, ce qui profiterait à la collectivité en termes de liaisons et de qualité de l’air.
Élise Devieilhe Collaboratrice Suède ÉGALITÉ
1 Gudrun Schyman, née en 1948, politicienne, ancienne dirigeante du parti communiste (Vänterpartiet, le « parti de gauche » entre 1993 et 2003), députée au parlement entre 1988 et 2006. Diplômée de l’École supérieure des sciences sociales. Cofondatrice d’Initiative Féministe, à la direction depuis avril 2005, porte-parole depuis septembre 2005, principale candidate du parti aux élections législatives de 2006 et 2010.