Culture « Je suis féministe car il reste beaucoup à faire pour les femmes, ici et ailleurs. »
Fanny Cottençon a créé Les Monologues du vagin en français. C’était à Bruxelles, en 2000, puis à Paris. Le spectacle est aujourd’hui sur scène pour la dixième année. Rencontre avec une comédienne qui s’engage.
Fanny Cottençon, comment avez-vous entendu parler de la pièce d’Eve Ensler, Les Monologues du vagin ?
Un producteur français l’avait vue en anglais et, impressionné, l’avait fait traduire par Dominique Deschamps. Je l’ai lue et j’ai immédiatement été « fracassée », émue. Jamais un texte n’avait dégagé une telle vérité sur le vécu des femmes. Cette multitude de voix de femmes de nationalités, de cultures, de religions, de classes sociales, d’éducation et d’âges différents possédait à la fois une force et une sincérité exceptionnelles. J’ai été bouleversée par cette intimité féminine que le texte osait donner à entendre.
La pièce a-t-elle été facile à monter ?
En Belgique, oui, car le Théâtre de poche, où nous avons joué, produit des pièces exigeantes, originales. À Paris, c’est le traducteur, alors directeur du Théâtre Fontaine, qui a accepté de la prendre après l’avoir vue à Bruxelles. Nous sommes ensuite passés avec Tilly, le metteur en scène, à l’Européen. Je dois signaler que la télé a brillé par son absence de soutien, à part celui de Nagui, alors à Canal+, et France 3 Paris. En fait, personne n’y croyait. J’ai joué plus de cent cinquante représentations… et la pièce se monte à la rentrée pour la dixième année ! Les femmes l’attendaient. J‘aurais aussi aimé la connaître quand j’étais une jeune femme. Cette parole libre m’aurait bien aidée !
Vous avez connu le renouveau féministe des années 1970. Dans les groupes femmes, les questions sur la sexualité étaient abordées. Notre corps, nous-mêmes était en vente en librairie…
C’était malgré tout assez marginal. L’ensemble des femmes n’avait pas accès à ces échanges. Je fais partie d’une génération qui ne parlait pas de sexualité avec sa mère, ni même souvent avec ses copines. Aujourd’hui, je sais qu’il est essentiel d’en parler. Et, dans Les Monologues, toutes les situations qui concernent le sexe des femmes sont abordées, aussi bien le plaisir et les multiples façons joyeuses, érotiques, de vivre sa sexualité, que les violences, l’inceste, le viol, les viols comme arme de guerre, l’excision. Cette pièce touchait à la fois la comédienne, car c’est un défi professionnel , et la femme, la citoyenne que je suis.
La féministe ?
Oui, bien sûr la féministe. Ce mot ne me fait pas peur. Les féministes, ce sont celles qui se sont battues pour nos droits, Simone de Beauvoir, le MLF des années 1970. Celles qui ont fait avancer les choses. Je suis leur sœur. Et la sœur de celles qui souffrent et se battent dans le monde entier aujourd’hui. C’est aussi pour cela que je suis marraine du site ÉGALITÉ, que je soutiens le combat contre la lapidation de Sakineh…
En 2006, vous avez monté et joué un spectacle composé uniquement d’extraits de textes de femmes, « Fragments d’elle (s) ».
Ce texte, que nous avons construit avec Anne Rottenberg, rend un hommage à toutes les femmes auteures qui nous ont aidé à être. « Lorsque je vois nos vies, je vois bien qu’elles sont comme des fragments d’un puzzle » est, approximativement, la phrase de Virginia Woolf qui a inspiré ce montage. Pour l’anecdote, de nombreux journalistes m’ont demandé pourquoi je n’avais sélectionné que des textes de femmes. Mais ils n’avaient pas de réponse quand je leur demandais s’ils interrogeaient Fabrice Luchini sur le fait qu’il ne choisissait que des hommes pour auteurs.
Propos recueillis par Laurence Klejman – ÉGALITÉ