Articles récents \ France \ Société 10 recommandations anti-sexisme dans la communication publique
Parce que la communication institutionnelle se doit d’être un modèle de non-sexisme, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes vient de lancer un guide pratique pour une communication publique sans stéréotype. Langage et image, les deux leviers qui nécessitent encore aujourd’hui des améliorations.
L’Etat et les collectivités territoriales dépensent chaque année 900 millions d’euros pour leur communication. Le monde du rêve pour les femmes face à l’ambition masculine sur des publicités de l’Education Nationale en 2011…
La communication publique n’est donc pas épargnée par les reproductions souvent inconscientes de clichés sexistes. C’est pour cette raison que le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a sorti son « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe ». Parce qu’il « n’y a pas de petites et grandes questions » a rappelé Gaëlle Abily, rapporteure au HCEfh, en charge du dossier, lors de la présentation du guide le 5 novembre 2015. « Alors si le langage cristallise les inégalités, il peut aussi être un levier pour changer la donne. »
Le guide propose une série de mesures permettant de rééquilibrer la place des femmes et des hommes dans les campagnes de communication publique. « Le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin » a expliqué Eliane Viennot, professeure de littérature française de la Renaissance lors du colloque de présentation. « Ce n’est pas une règle grammaticale mais une règle politique qu’on enseigne aux enfants dès l’âge de 7 ans. » Si la préfète, la doctoresse, la sénatrice et même la charpentière ne choquaient personne au Moyen-âge, il semble qu’aujourd’hui même les partisan-e-s du terroir et du patrimoine historique français tel que Jean-Pierre Pernault préfère la modernité sexiste des « grammairiens masculinistes » comme les nomme Eliane Viennot.
Pourtant, « le féminin de toute qualification devrait encore exister », reprend la professeure. Les grammairiens du XVIIe ont imposé le masculin, « plus noble à cause de la supériorité du mâle sur la femelle » disait à l’époque Claude Favre de Vaugelas, membre de l’Académie française. Peu à peu, ils font disparaître des dizaines de qualificatifs féminins de professions qu’ils jugeaient supérieures. « Ils n’ont pas touché à « la boulangère » parce qu’ils n’en avaient rien à faire », souligne Eliane Viennot. Mais la politique, les métiers médicaux, plus valorisés dans nos sociétés, en ont fait les frais.
Les mots ne sont ni laids, ni beaux en soi
« Ce n’est pas beau » c’est l’un des premiers arguments que l’on entend chez les sceptiques face à la féminisation de certains termes. La beauté d’un mot est subjective peut-on leur rétorquer. Les auteur-e-s du guide sont formel-le-s : « aucun mot n’est beau ou laid en soi. »
Dans la famille des casses-têtes de la langue française on trouve aussi les accords. Mais là encore, Eliane Viennot a une solution non sexiste : « On accorde avec le mot le plus proche. Par exemple dans la phrase : « les spectateurs et spectatrices sont contentes », spectateurs vient en premier dans l’ordre alphabétique donc on le place avant mais on accorde avec spectatrices, qui vient en dernier. » Une gymnastique peu compliquée contrairement à ce que véhiculent ses détracteur-e-s et qui serait d’autant plus simple, d’ailleurs, si elle s’enseignait dès la petite enfance…
Les femmes dans les images : trois dérives
Pas de femmes nues ventant les mérites d’un yaourt light dans les campagnes publiques mais… des pièges sexistes qui ne sont pas toujours évités. La secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, Brigitte Grésy, est aussi l’auteure, avec Michèle Reiser, d’un rapport sur l’image des femmes dans les médias paru en 2008. Elle évoque trois dérives constantes dans les campagnes publiques : le manque de visibilité des femmes, l’instrumentalisation des corps et les stéréotypes de sexes.
Parmi les exemples à ne pas suivre :
Où est l’exploit sportif dans cette publicité de clubs sportifs de Loire-Atlantique ? Le maquillage et la mode priment, ici, sur l’esprit d’équipe et les compétences des sportives…
La campagne de la Commission européenne « Science is a girl thing » visait en 2012 à promouvoir les sciences chez les femmes. Une caricature d’un modèle féminin qui a suscité un tollé international. « Par ces publicités on dit aux femmes : libérez-vous des carcans en accédant à des domaines encore trop masculin… Mais on rapporte de nouvelles normes, de nouvelles brimades liées à un corps parfait », décrit Brigitte Grésy.
Les auteur-e-s du guide leurs préfèrent donc celles-ci :
Changer l’image des femmes dans la communication mais aussi… les faire apparaître dans les publicités mixtes. « Il faut compter » explique la secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. « Partout où l’on va, l’égalité ça se compte. » Petit exercice : combien d’arrêts de métro rendent hommage à des femmes à Paris ? Combien de femmes expertes s’expriment dans les médias ? Ce sont autant de questionnements sur les inégalités que le guide souhaite, dans un premier temps, faire susciter chez les citoyen-ne-s. Puis qu’il propose de résoudre sous forme de 10 recommandations. Un outil que certaines collectivités comme la région Midi-Pyrénées n’ont pas attendu pour lancer leur propre charte sur la communication non-sexiste sur leur territoire.
Lucie Faguais 50-50 magazine