Articles récents \ Chroniques LE DERNIER MOT d’ANNIE : Quand Zemmour ne faisait pas scandale
C’était en 2006. Zemmour publiait alors un essai intitulé le premier sexe . A la différence de son nouveau pamphlet, le suicide français, cet ouvrage n’a pas choqué. L’Express notait même avec admiration «sur le conformisme ambiant, un peu d’insolence ne nuit pas.» Il faut dire que s’attaquer à l’influence pernicieuse des femmes dans la société est un sport à ce point universel (et intemporel) chez nombre d’intellectuels, qu’il en devient banal.
En résumé, selon Zemmour, les valeurs féminines ayant triomphé des valeurs masculines, c’est la société toute entière qui en paye les conséquences, se retrouvant désarmée face aux attaques diverses dont elle est l’objet tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Au-delà de la différence, la nécessaire inégalité entre les sexes.
Zemmour ne lésine pas dans l’énumération des pires stéréotypes justifiant le statut dominant dont l’homme n’aurait jamais dû se départir: «Les femmes conduisent quand la vitesse est limitée (…), elles ne créent pas, elles entretiennent (…), en se féminisant les hommes se stérilisent, ils s’interdisent toute audace, toute innovation, toute transgression.»
La décadence de l’Europe ? «On ne songe jamais (comme explication) à sa féminisation.»
On peut toujours se consoler en se disant que Zemmour ne sous-estime pas l’impact du message féministe et ne le confond pas avec quelque revendication purement égalitariste, reconnaissant qu’il vise une modification profonde des relations entre les femmes et les hommes. Sur sa lancée, il qualifie d’ailleurs de «prométhéenne» une telle ambition. Il va même jusqu’à soupçonner les féministes de s’attaquer aux fondements de l’héritage judéo-chrétien. Sur ce dernier point il a d’ailleurs raison, puisque cet héritage, comme celui de l’ensemble des religions monothéistes, est fondé sur la hiérarchie entre les sexes et le confinement des femmes dans la fonction de procréation.
Vient alors l’effet boomerang : les femmes, annonce-t-il, vont payer cher ce combat contre nature mené, en leur nom, par les féministes. Leur erreur est de ne pas comprendre que «plus on adule, plus on respecte, moins on bande. Stendhal a cent fois raison, ce malheur est extrêmement commun(…). Peu d’hommes le savent, moins encore l’avouent, mais tous les sentent. C’est leur angoisse fondamentale dès qu’une femme leur plaît. »
Nous voilà donc au cœur du sujet «C’est l’inégalité qui était le moteur traditionnel du désir», avoue Zemmour. Pourquoi s’en offusquer ? Tout le monde y trouve son compte, l’homme qui domine et la femme qui admire.
Le pire c’est que nombre des lecteurs de Zemmour, et Zemmour lui-même, doivent penser en leur for intérieur, que c’est une façon de dire aux femmes «on vous aime !» et on ne veut pas que vous changiez ! Voyez comme on est fragiles.
L’attrait répulsion pour le nouveau barbare qui a su résister
Par un détour paradoxal, Zemmour introduit sa deuxième obsession, l’immigration, la folle solution imaginée par des «technocrates compétents» confrontés à la «dépression démographique» due au contrôle par les femmes de leur fécondité
Quel regard ces nouveaux arrivants, issus de cultures non encore émasculées par la petite musique féministe, peuvent-ils porter sur les femmes qu’ils vont croiser ?
Ayant brossé un tableau éprouvant du triste sort réservé aux mâles occidentaux, et à nos sociétés dans leur ensemble, Zemmour ne peut que partager la rage qui prend «le» jeune Arabe tout nouvellement arrivé chez nous, et qui s’indigne face aux dérives d’une telle société. Et Zemmour de décrire avec délectation les réactions pleines de bon sens du nouveau Candide (minijupe= putain et voile= vierge), réactions qu’aucun Français de souche n’oserait plus exprimer sous peine de se faire traiter d’affreux réactionnaire.
L’auteur du Premier sexe nous livre son explication : «Ils viennent d’un univers où les hommes ne sont pas féminisés, où ils se conduisent selon leurs pulsions, mais où leurs pulsions sont contenues par un cadre rigide, familial ou religieux.»
Certes, il y a aussi ces jeunes garçons des cités, nés en France, qui n’ont pas connu la terre de leurs ancêtres. Zemmour retombe sur ses pieds en notant que leur cadre familial ayant explosé, la loi du père étant bafouée, ces bandes de jeunes vont aussi réagir à «cette société française féminisée, qui ne supporte pas la violence, l’autorité virile.»
C’est à se demander si, en définitive, le racisme de Zemmour n’est pas l’expression d’une forme de jalousie (admirative) à l’égard des sociétés ou des individus qui ont eu la chance d’échapper aux ravages du féminisme ?
La question que j’ai envie de lui poser est la suivante : qui lui a dit que le courage, la force morale, le goût de l’aventure, l’autorité sont des valeurs strictement viriles, propriété exclusive des hommes ?
Annie Sugier 50-50 magazine