Articles récents \ France \ Société Lutte contre l'excision, Isabelle Gillette-Faye, une militante infatigable

Isabelle Gillette-Faye, sociologue, directrice de la Fédération Nationale GAMS (Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles) nous a reçu dans ses bureaux parisiens. Après trente ans de lutte, elle fait le point sur la situation de l’excision en France et dans le monde.

Quelle est la principale mission du GAMS ?
Nous effectuons de la sensibilisation auprès des populations concernées par l’excision : lycéen-ne-s,  associations de migrants-e-s, centre sociaux et PMI. Nous faisons à peu près dix interventions par mois. Le GAMS s’est également agrandit,  il comporte aujourd’hui  sept antennes : Ile-de-France, Nord-Pas de Calais, Haute Normandie, Champagne-Ardennes, Bourgogne, Rhône-Alpes, Provence-Côte d’Azur, c’est une avancée.
Qu’en est-il aujourd’hui de la pratique de l’excision dans le monde ?
On estime encore à 130 millions le nombre de femmes excisées dans le monde, mais dernièrement l’UNICEF a fait une étude démontrant qu’il y a un a progrès réel et que la pratique recule ; il ne faut pas oublier que l’excision date de 26 siècles et qu’il n’y que 30 ans de bataille systématique menée. Par exemple, la tradition des pieds bandés en Chine a été éradiquée en trois générations.
Il y a de poches de résistance comme au Mali, une partie du Sénégal, en Guinée Conakry, une partie de la Mauritanie et de la Cote d’Ivoire. Nous savons que l’excision existe aussi au Kurdistan, en Indonésie, en Malaisie, aux Maldives aussi, mais nous n’avons pas les chiffres.
Malgré les campagnes d’informations, le recul est beaucoup plus lent dans certains pays plutôt que dans d’autres. Le Burkina Faso, par exemple, est en avance sur cette question, car il y a eu une véritable volonté politique de la part du gouvernement. Le problème actuel est la montée des fondamentalismes religieux. Certains viennent prêcher la « bonne » parole  auprès des populations: «  il faut exciser vos filles.»
Et en France ?
En France, on estime à 60 000, les femmes excisées et 30% de leurs filles, en risque de l’être. C’est pourquoi nous animons de nombreuses formations auprès de professionnel-le-s de santé, qui sont de plus en plus conscient-e-s du problème. Et sont vigileant-e-s  face aux jeunes filles en âge d’être au collège et qui retournent l’été dans leur pays d’origine avec les risques que cela peut impliquer.
Nous avons un groupe de jeunes femmes, de toutes origines, qui trouvaient que nous avions un langage trop technique pour elles, y compris concernant la réparation du clitoris ; alors elles ont créé leur propre groupe :  « la vie après l’excision », et elles sont très actives.
Concrètement quels sont vos projet pour 2015 ?
Nous préparons un colloque sur la santé avec Excision parlons en, nous allons pérenniser les Gams régionaux et nous voudrions accentuer la dynamique en direction de jeunes. Ainsi j’aimerais créer un bulletin régulier « Les bonnes nouvelles concernant l’excision pour les jeunes. »
Travaillez -vous aussi avec des médecins ?
Bien sur. Même si l’excision n’est pas au programme de la fac de médecine , il y a juste une circulaire qui en parle ! Oui, plusieurs d’entre elles-eux maintenant se sont engagé-e-s dans l’opération de la réparation du clitoris, nous avons des gynécologues dans l’équipe de bénévoles et tout un réseau alentour.
Quelle est votre principale préoccupation aujourd’hui ?
Il y a une médicalisation de l’excision partout, même dans le pays qui pratiquent un islam modéré. Et puis à certains niveaux, dans de nombreux pays, il y a un backlash sur les droits de femmes, alors cela fait aussi reculer notre combat. Nous manquons aussi de moyens. Jusqu’à présent, nous étions, entre autres, soutenues par le ministère des Droits des femmes ; nous espérons qu’il en sera de même par le ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits de femmes et son Secrétariat d’Etat dédié.
Depuis plusieurs années, notre association, comme beaucoup d’autres, doit en effet, faire face et s’adapter à une baisse constante des subventions.
Mais il n’est pas question de se laisser abattre, le combat continue et pour moi c’est le combat d’une vie !
 
Propos recueillis par Emmanuelle Barbaras 50-50

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