Société Sexisme : Najat Vallaud-Belkacem souhaite basculer dans un nouveau monde
« Ce sont les idées qui changent le monde », explique la Ministre en introduction, alors que les stéréotypes, pourtant « à la racine des pires violences », et loin d’être « les lubies de quelques unes », ne changent pas. Lorsque nous les voyons, « ils nous apparaissent anodins, badins, voire sympathiques ». Au point qu’on « ne sait plus très bien ce qui relève de l’inné et de l’acquis, de la culture et de la nature ».
Brigitte Grésy (Inspectrice Générale des Affaires sociales) explique comment les stéréotypes, ces confortables « pétrifications mentales », assignent les personnes à des rôles inégalitaires en « plaçant systématiquement le masculin dans une position privilégiée et asymétrique », et « le féminin dans une position relative et subordonnée », par exemple en considérant que toutes les femmes sont LA femme. Dans une démonstration vivante et efficace, mettant à distance les recettes naturalisantes fondées sur des supposées caractéristiques féminines, comme le « leadership au féminin », elle précise qu’il « n’est pas question de nier les différences entre les sexes » mais de mettre en cause le surinvestissement dont ces différences font l’objet.
Quels leviers d’action proposent les huit intervenant-e-s ? Le premier est l’implication des hommes dans la sphère domestique et familiale, avec des conséquences bénéfiques sur le travail et sur les modèles éducatifs proposés à nos enfants. Le deuxième est le développement de l’esprit critique pour rendre visibles les stéréotypes et proposer des alternatives égalitaires dans l’éducation, l’image, la presse, avec des conséquences positives sur le rapport au corps et à l’image de soi. Le troisième est l’utilisation massive, efficace et progressiste des TIC et des réseaux sociaux, puisque « des idées nouvelles peuvent se frayer un chemin en quelques heures », souligne Najat Vakaud-Belkacem, qui ajoute qu’elle s’appuiera sur les idées, ressources et initiatives existantes.
Les « 3D »
Affirmant que « la différence fondamentale entre les hommes et les femmes réside dans la différence de légitimité dans les deux sphères publiques et privées », Brigitte Grésy en appelle au nécessaire engagement des hommes. Si les femmes ont massivement un travail rémunéré, eux n’ont pas investi parallèlement la sphère familiale et domestique, oscillant, explique-t-elle, entre les « 3D » (Déni des normes masculines, Dépit d’être dépossédé et Désir de changement).
Francine Raymond, auteure d’un web-documentaire sur la journée marathon de six familles, se demande quel « exemple familial nous donnons à nos enfants », puisque « c’est au sein de la famille que prennent racine les inégalités » et que « réserver le rôle parental aux femmes, c’est priver les hommes de l’expérience la plus nourrissante ».
Quant à Antoine de Gabrielli, fondateur de Companieros et de l’association Mercredi c’est papa, il préconise l’engagement massif des hommes, notamment à travers le programme Happy men share more.
Blandine Métayer, auteure et actrice, invite ouvertement la Ministre, via un extrait de son spectacle « Je suis top ! », à créer un VRAI congé de paternité… rémunéré.
C’est à partir de l’observation des corps dans les encyclopédies pour enfants pour l’une, et du complexe mode-beauté-sexualité-publicités des magazines féminins pour l’autre, que Christine Detrez et Grégory Lassus-Debat proposent un analyse critique de l’image des femmes. Elle, Maîtresse de conférences en sociologie à l’ENS de Lyon, souhaite que nos enfants puissent dire « Je décide quel corps je veux et quelle place je veux lui donner ». Lui a fondé le mensuel Causette, initialement via internet.
L’outil internet, ses jeux de sensibilisation et ses campagnes virales constituent également un espoir dans la lutte contre les violences selon Lindsey Nefesh-Clarke (fondatrice de Women’s Worldwide Web), qui rappelle que le génocide de femmes compte plus de victimes en une seule décennie que tous les génocides du vingtième siècle réunis.
Claire Gibault, chef d’orchestre, a initié des pratiques égalitaires dans son mandat de députée européenne comme dans la charte du Paris Mozart Orchestra (auditions musicales derrière un paravent, remboursement des frais de garde les soirs de répétition ou de concert).
Des moyens pour faire reculer le sexisme ordinaire?
Un chantier de « rénovation mentale » est indispensable, indique Brigitte Grésy, parce que les stéréotypes constituent « une menace pour autrui » lorsqu’il conduit à l’intolérance et à la discrimination et « une menace contre soi » lorsqu’il fragilise le sentiment de compétence personnelle.
« Basculer dans un nouveau monde », comme le souhaite la Ministre, sera long et difficile, le sexisme ordinaire s’étendant sans limites. Le faire reculer implique de repenser la place et l’organisation du travail, les pratiques et les savoirs scolaires, les modèles familiaux auxquels les enfants sont exposé-e-s de toute part et la responsabilité de l’Etat dans la reproduction plus ou moins consciente de la répartition sexuée des rôles. Face à l’ampleur des travaux, la Ministre aura besoin de « tous les savoirs, toutes les expériences » et du soutien de l’ensemble du gouvernement.
Un bémol, si l’analyse des causes des inégalités est forte, si de nombreuses propositions sont avancées, les moyens concrets à mobiliser ne sont pas abordés.
Violaine Dutrop-Voutsinos – EGALITE
Pour en savoir plus : Le ministère des droits des femmes organise à Lyon une soirée contre les stéréotypes